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LE COMBAT DES HÉRÉDISMES.

vieux contes le vivant chargé du message du mort. L’air de cristal, où vibrent ces accents immortels, c’est la corde d’argent tendue le long des âges et qui recueille trois siècles de vibrations amoureuses et mélancoliques.

Est-ce à dire que le soi de Racine n’intervienne pas dans ses créations, en dehors de l’impulsion initiale ? Nullement. Ce soi si sage est manifeste au milieu de ce débordement d’ardeurs souvent impures. On croirait un ange aux ailes diaphanes, penché sur une rôtissoire de démons. Le soi de Racine est successivement émerveillé et scandalisé par les licences de la Vénus sylvestre dont parle, en tremblant, le vieux poète latin :

Tune Venus in sylvis jungebat corpora amantum.

Le soi de Racine assiste, plein de repentir, à ces débordements délicieux et il en conçoit un remords, dont l’alto se mêle aux tentations charnelles de la lignée.

Chez Corneille, il y a visible prédominance des guerriers et des juristes sur les amoureux. Ici la cité, au sens romain du mot, commande et courbe l’individu. La chaleur des torches passionnelles ne fait pas fondre la cire sur