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LE COMBAT DES HÉRÉDISMES.

de leur insuffler une existence nouvelle. C’est l’euphorie de la création littéraire, la griserie dont parlent Renan et Balzac, le trépied magique que chante Eumolpe au festin de Trimalcion :

Ut corlina sonet, céleri distincta mealu

Il est surprenant que ce point de vue n’ait pas encore été envisagé, du moins à ma connaissance, par la critique littéraire et dramatique, qu’elle n’ait pas cherché davantage ce qu’il y avait derrière ce terme si vague d’inspiration. L’homme de lettres, le dramaturge, le romancier ne sont point, dans le peuple des humains, des phénomènes isolés, comparables à des champignons monstrueux. Ils sont simplement des êtres dont le moi, plus chargé que chez d’autres, et commandé par un soi plus impératif, se déverse au dehors, sur la page imprimée, de ses protagonistes. La résultante verbale de toutes ces voix, de tous ces accents, plus ou moins fondus, plus ou moins harmonieux, s’appelle le style. Il est donc plus juste de comparer le style à un orchestre qu’à un solo. Ouvrez Racine, le plus hanté, c’est-à-dire le plus passionné, le