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L’HEREDO.

moi par la ressource libératrice du tonus du vouloir, par le développement de sa raison.

Je n’insiste pas sur les esprits supérieurs, ou se croyant supérieurs, qui échafaudent, sur les reviviscences et les harcèlements de leur moi, des théories compliquées et transcendantes. Le modèle le plus illustre et le plus saisissant nous en est offert par le Boche Frédéric Nietzsche, écrivain malheureux et éloquent, dont j’ignore la lignée héréditaire, mais dont j’affirme, sans crainte de me tromper, que le moi n’était qu’une confuse bagarre. Ne parvenant pas à faire sa chambre suivant la norme ordinaire, ce pauvre garçon imagina de « renverser » — comme il disait — toutes les valeurs : c’est-à-dire de mettre son lit perpendiculaire, les fauteuils la tête en bas et la pendule dans la cheminée. Ensuite il se plaignit amèrement de ne pouvoir ni se coucher, ni s’asseoir, ni connaître l’heure, cependant qu’il proposait aux autres cette « règle de vie ». Aussi nettement que s’il était là, je le vois déchiré par ses ascendants, comme le docteur Faust, dans la légende originale allemande, fut déchiré par le diable. On suit même, à travers son œuvre vociférante, chuchotante, balbu-