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L’HEREDO.

tances sommes-nous, hommes et femmes, plus particulièrement exposés au réveil soudain de telle ou telle empreinte héréditaire dans le moi ?

D’abord aux moments d’émotivité, c’est-à-dire à la formation physique. Ce que j’ai exposé des influences sensorielles me dispense d’insister davantage. L’état d’aspiration vague, de rêverie, de nostalgie mélancolique est éminemment favorable à l’apparition, à l’implantation des fantômes intérieurs. Le célèbre Manfred, de lord Byron, est une lyrique description de cette transe, alors que nos ascendants s’insinuent en nous par les voies les plus sournoises et notamment par la contemplation émue de la nature dans la solitude. C’est une observation que j’ai faite bien souvent : l’hérédo en général fuit les hommes et cherche le désert. Il se sent mal à l’aise dans la société, blessé par ses contacts, et il préfère jouir égoïstement, voluptueusement de la résurrection qui s’opère en lui, devant la forêt, la mer, les glaces éternelles ou les ruines. La musique est pour lui un apaisement, parce qu’elle lui donne l’illusion de préciser son imprécision intérieure et de dénombrer, par le son et le