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L’HEREDO.

Jacques. Il fut contagieux, il fut le père du romantisme, de l’individualisme lyriquement conçu, en tant qu’apologiste du moi contre le soi, de la sensibilité contre l’intelligence, du désarroi héréditaire contre l’équilibre. En reconnaissance de cette exaltation du moi et de ses penchants, la métaphysique allemande, cette forcenée de l’individu considéré comme une fin, le prôna et l’adopta. Ses ravages proprement philosophiques ne furent pas moins grands que ses ravages politiques. Il n’est pas de vicieux satisfait qui ne se réclame encore aujourd’hui du mauvais Genevois à la phrase chantante, lequel arborait complaisamment ses souillures.

Quand je passais, il y a de cela vingt et quelques années, mes derniers examens de médecine, jusqu’à la thèse exclusivement, Alphonse Daudet m’avait conseillé, comme sujet de cette thèse « la maladie de Rousseau ». Mais si j’avais déjà, à cette lointaine époque, le pressentiment du drame intérieur, j’en ignorais le mécanisme. Il me manquait le fil conducteur à travers cette personnalité trouble que fut l’infortuné Jean-Jacques et j’aurais versé dans l’erreur de l’explication, vraiment trop