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L’HEREDO.

tempsycose, tout se passe comme si la vie d’un seul recréait une autre vie dans son individu, une vie analogue et antérieure, plissée, godronnée de quelques légères différences. C’est alors un état de transe, où nous sommes habités et gouvernés par notre père, ou notre mère, ou l’un quelconque de nos ascendants. Notre besogne, notre métier quels qu’ils soient, s’en trouvent étrangement facilités. Le poète croit que sa Muse l’inspire. Le maréchal ferrant, le boulanger trouvent leur travail terminé sans fatigue. L’orateur sent qu’un autre, qui parle par sa bouche et gesticule par ses gestes, continue son discours. Je citerai mon cas personnel, qui est celui du fils écrivain d’un homme de lettres et d’une femme de lettres. Que de fois ne m’est-il pas arrivé de me mettre à ma table de travail et, aussitôt après ce libre déclenchement du soi que j’appelle impulsion créatrice, de reconnaître nettement l’entrée en jeu d’un élément héréditaire paternel ou maternel, qui accomplissait ma besogne, en quelque sorte à mon insu. Quand j’étais jeune, il arrivait fréquemment que mon père complétât, pendant mon sommeil, une de mes versions latines, parfois