Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/40

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
34
L’HEREDO.

Mais gare à vous ! Sous son influence musicale, et logique dans la folie ondoyante, il y a un poison qui corrode le vouloir et ce besoin du positif sans lequel l’homme devient un esclave. Il faut être Pascal, ce roi du soi, pour réagir en compagnie de M. de Sacy. Quand le perpétuel balancement de Montaigne vous donnera mal au cœur, alors, mais alors seulement, vous serez au point. Cette philosophie du pour et du contre, oiseuse comme tout débat sans conclusion, est à l’opposé de la sagesse. Possible qu’elle rabatte l’orgueil de ceux qui ne savaient point par avance combien l’homme est faible et petit. Mais inutile d’ajouter à cette faiblesse en lui retirant, avec la faculté de conclure, le désir de vouloir. Combien je plains ceux qui passent leur existence à marmonner leur Incredo religieux, philosophique ou politique !

Le scepticisme de Renan, autre très grand et très pur écrivain, n’est pas moins exemplaire que celui de Montaigne. On peut presque le prendre comme type du débat héréditaire. Apercevez-vous, sur deux rangs, derrière lui, les incrédules et les croyants de sa bretonnerie, qui le tirent à hue et à dia par les fils