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LE MOI ET LE SOI.

cieux, mettent à nu autant de frissons héréditaires qu’il apparaît de rois à Macbeth. Le public charmé, surtout celui des femmes, s’écrie : « Comme c’est original, comme c’est personnel ! » Sans doute, quant à la magie de la forme, mais pas un moment Errant n’est soi. Son talent descriptif est précisément issu de cette angoisse de ne pouvoir se conquérir.

Cet autre — appelons-le Violent — subordonne tout à une sensibilité dans la sympathie ou l’antipathie, qui tourne et vire avec la rapidité d’un moulin. Son emportement, commandé par la chaîne héréditaire et ses cliquetis, va de tous les côtés sans boussole, comme les soubresauts d’un cheval emballé. Il possède d’ailleurs une ardeur ironique et un régime de mots puissants et verveux, qui l’apparentent aux grands satiriques. Cependant il ne tient pas ceux qu’il entraîne et ceux-là se détournent de lui. C’est que chez lui encore le moi prédomine, — telle une hydre au millier de têtes grimaçantes, — sur le soi raisonnable et sûr, sur le soi constructeur et hiérarchisant. Avec six mois d’application selon une méthode appropriée, Violent eût aisément dompté ses impulsions congénitales.