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LE LANGAGE ET L’HÉRÉDITÉ.

assemblés, cet air de famille et de tribu entre les hérédofigures projetées, et même entre les fragments ou segments verbaux des hérédofigures. Ces fulgurations ont presque toujours la forme de la grande fulguration initiale dont elles sont issues. L’œuvre de Shakespeare est une colonne de feu instantanée dans les espaces verbostellaires du moi shakespearien, rabattue, refroidie et morcelée sur la durée des quelques années terrestres pendant lesquelles travailla Shakespeare. Il en est de même de l’œuvre racinienne, de l’œuvre beethovenienne, etc. Le peuplement de figures et de sonorités, opéré par ces souverains génies dans le monde d’ici-bas, fut le déploiement et la répartition d’une éblouissante seconde, que dis-je, d’un millième de seconde créatrice, d’une explosion intellectuelle et pathétique au sein de l’univers intérieur.

Or il n’est aucun phénomène métapsychique au centre du génie le plus altier, le plus complet, qui n’ait son correspondant au sein du plus humble d’esprit parmi les hommes. Si nous évoquons le premier sur son piédestal, c’est afin d’expliquer le second, attendu qu’on comprend mieux les rapports des lettres