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LE LANGAGE ET L’HÉRÉDITÉ.

tion philosophique, artistique, scientifique, littéraire, dans son expression la plus haute, n’est pas une création réalisée peu à peu, par augments successif, comme l’effort s’ajoute à l’effort, ou la journée à la journée. Elle est une irradiation soudaine, par le soi, de tout un pan du ciel intérieur, d’un fourmillement d’hérédosphères. Elle est un embrasement et un ordonnancement d’un majestueux firmament de souvenirs, de présences, d’idées héritées ou autonomes, de penchants, d’aspirations vagues, par l’impulsion créatrice, la volonté et la sagesse, conjointes en un triple et unique faisceau ardent. Le concept humain totalise soudainement la vie de celui qui le porte.

Si Dante, Shakespeare, Balzac, Léonard de Vinci, Gœthe, Beethoven, Laënnec, pouvaient prendre la parole et nous expliquer chacun la genèse de son œuvre immense, ils nous la dépeindraient ainsi qu’une illumination immédiate, à tel ou tel tournant de l’âge, généralement intermédiaire entre l’âge adulte et la jeunesse, ou entre l’âge adulte et la vieillesse. Ils la compareraient, selon le mot de Sainte-Beuve, au coup de foudre et à la voix, sur le