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LES CONSTELLATIONS HEREDITAIRES.

la peinture des caractères masculins, Molière est gêné dans celle des caractères féminins, comme s’il manquait de reviviscences féminines intérieures pour communiquer avec eux, comme si tous ses hérédismes étaient mâles. Il y a là un malaise évident et dont ses malheurs conjugaux ne sont point, selon moi, responsables. La cause en est plus intime, plus secrète. Les personnages féminins qu’il met à la scène m’ont toujours fait l’effet de travestis. Ils ont été conçus comme des messieurs et plus tard seulement habillés en dames.

Swift a laissé son moi recouvrir son soi jusqu’au dernier terme de cette éclipse, qui est la folie. Le chapitre des chevaux raisonnables des Houyhnhums, dans Gulliver, présente une grande analogie avec la composition aristophanesque, sauf que les hérédofigures y gravitent dans une sorte de pénombre douloureuse, et non plus dans une vive lumière. Swift s’est peint lui-même dans son héros rattaché au sol par les mille liens de Lilliput et qui n’a pas la force de les briser. Il s’est certainement fait une représentation très juste de son drame intérieur, le plus tragique qui soit : l’emprisonnement, l’étouffement du soi par le foison-