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L’HÉRÉDO.

sion, admirable ment équilibrée, de la petitesse des mobiles et des moyens humains.

Molière a lui aussi, dans son moi, quelques ascendants lyriques, sensibles notamment dans Don Juan, le Bourgeois gentilhomme et Tartuffe. Mais les hérédofigures souffrantes, jalouses, déshéritées, amères, grimaçantes — la grimace est un affleurement ancestral sur la physionomie — l’emportent, en lui, sur les atavismes joyeux et hardis. Sa grande caractéristique est dans la reprise d’un mouvement noble ou généreux par la peine et par le sarcasme : reprise évidemment provoquée par le rabattement d’une image atavique douloureuse sur une épanouie, par un contraste d’autofécondation. Tous ses personnages ont la même voix, la même inflexion, le même accent, maîtres ou serviteurs, raisonnables ou obsédés, tellement ils dérivent des protagonistes psychiques qui composent son imagination. Ses comédies sont la projection d’un drame intérieur, où le soi lutte tant qu’il peut, fréquemment recouvert par le moi. Le Misanthrope est, à ce point de vue, une autopsychographie fort singulière, la confession acerbe et méticuleuse d’un hérédo qui est Alceste. Incomparable dans