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LE MOI ET LE SOI.

qu’une émotion nous rend manifestes et parfois jusqu’à la douleur.

Le soi est plus difficile à découvrir et à analyser que le moi. Il est aussi plus actif et si l’on peut dire plus virulent, à mesure que la personnalité se dessine et se fixe. Il est le véritable protagoniste de l’être humain. J’y distingue au moins trois éléments : l’impulsion ou initiative créatrice, dans l’intellectuel ou le sensible ; puis ce que j’appellerai, faute de mieux, le tonus du vouloir ; enfin un état d’équilibre, qui tend à l’harmonie intérieure ou sagesse.

L’impulsion ou initiative créatrice dérive du soi, elle en est pour ainsi dire l’émanation, dans son essence et dans son début. Mais, en même temps, elle libère l’individu de tous ses fantômes héréditaires, qu’elle transmet, sous deux formes, à la postérité. Elle est à la fois la plus haute expression du soi et le plus grand moment de la dissociation et de l’éparpillement du moi. Le héros qui s’immole à son pays, en pleine conscience, le romancier ou le dramaturge qui donnent la vie à un chef-d’œuvre, le savant qui dénude une loi de la nature, l’amoureux qui serre l’amou-