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L’AMOUR HUMAIN.

est l’histoire, d’ailleurs bien mieux documentée, de la même époque par Taine. Ici, ce n’est plus le fanatisme, mais c’est la timidité qui domine, un scrupule d’homme de bureau et de bibliothécaire, dressé — tel une oreille de lièvre — vers les gens des assemblées et les foules de la rue. Cette timidité lui fait apparaître la Révolution comme une succession d’émeutes : et, si elle ne lui masque pas les erreurs mentales, beaucoup plus importantes, par lesquelles furent déchaînées ces émeutes, cette angoisse annotée, bourrée de gloses et de références, est à peine moins déformatrice que l’enthousiasme de Michelet. On sent que les Conventionnels empêchent Taine de dormir et il les raconte sérieusement, comme l’enfant ses cauchemars, en claquant des dents et vacillant sur ses jambes. En outre la tare des gens de son époque — l’abus des comparaisons issues des sciences biologiques — ajoute ses déformations ingénieuses au vertige de la panique.

Chez les historiens et les savants, contrairement à une opinion répandue, l’impartialité et l’impassibilité sont aussi rares que chez les écrivains et les poètes. Les passions et les hu-