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L’AMOUR HUMAIN.

rêveries malsaines. Cependant, sous ces bizarreries, ces colères, ces rancunes de chat sauvage, ces curiosités de fille nerveuse, on distingue, dans l’auteur des Fleurs du Mal et des Paradis artificiels, un sens aigu et solide des réalités, des règles morales, littéraires, poétiques, un besoin de clarté et d’équilibre. Le manuscrit posthume publié par Crépet, Mon cœur mis à nu, constitue une précieuse contribution à l’étude des hérédos. Ce n’est pas son cœur, c’est son moi, son ascendance que le « Boileau hystérique » — mot assez juste de je ne sais quel contemporain — met à nu. Il est impossible de se confesser plus complètement et plus crûment.

Voici comment les choses se passaient : Baudelaire entrait en transe. Il devenait en prise à son moi, à une série de rêves debout, d’hallucinations voluptueuses, musicales, colorées, aquatiques, architecturales et autres, dominées par le désir vague d’une femme capable de lui faire éprouver toutes ces sensations à la fois. Quelqu’un qui eût bien connu sa parenté, et qui l’eût bien connu, eût pu rapporter chacune de ces lubies à tel ou tel, mettre des noms de morts sur chacun de ces