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LE MOI ET LE SOI.

tellectuels, sensibles et moteurs. Étrange époque de l’erreur par rapetissement, dont la racine n’était autre que la passion anticatholique. Déjà je m’en rendais parfaitement compte et l’aveuglement de ces hommes illustres m’étonnait. Tantum irreligio potuit suadere malorum. Ces lettrés, ces artistes, ces savants, ces aliénistes avaient fini par rapetisser les problèmes à la taille de leur hargne antireligieuse et l’on considère aujourd’hui avec pitié la pauvreté de leurs conceptions. Par le plus comique des contrastes, c’était le temps où Guyau publiait sa « morale sans obligation ni sanctions » alors que toute la morale scientifique, rabougrie, privée d’air et de perspective, comme toute la thérapeutique médicale, consistait à accepter, à ne pas réagir, à subir. Tout tenait dans cette formule inepte : la pensée, sécrétion du cerveau. Or il n’est nullement démontré que la pensée soit liée au cerveau, que le cerveau soit autre chose qu’un condensateur ou un des condensateurs de la pensée, que la pensée ne remonte pas dans la moelle, qu’elle ne circule pas dans les ganglions et le système du grand sympathique, qu’elle ne soit pas somatiquement diffuse, re-