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L’HÉRÉDO.

d’un esprit de ce genre consiste à choisir une aspiration vague et généreuse, liberté, égalité ou justice, et à lui sacrifier successivement toute la hiérarchie intérieure, tout ce que j’appelle l’équilibre sage. Les déséquilibrés de l’ascendance — pour quelque cause que ce soit, toxique, bacillaire, ou psychique — viennent se loger dans cette marotte, la gonflent, la distendent, l’élargissent, ainsi que des serpents dans un sac, assourdissent l’orateur ou l’écrivain de leurs sifflements, susurrements, chuchotements, reviviscences et contradictoires. Lamennais les sent confusément, il les traite de démons, il les nomme. Il se fait néanmoins un devoir de les accueillir, de les héberger et il prend leurs dévastations pour de la grandeur. Un immense orgueil en résulte, accompagné de remords et de larmes. L’esprit s’écarte du positif, s’attache désespérément au négatif et ne peut plus distinguer aucune vérité, qu’elle soit religieuse, sociale ou politique. L’hérésie, c’est l’émeute intérieure. À chaque carrefour de la pensée se tient un bateleur vociférant. Maintenant les ascendants crient et tempêtent. Ils sont les maîtres de toute la scène. C’est l’antichambre du délire