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DANS LES PROFONDEURS DU SOI.

ne mène nulle part. Les ancêtres de Soury jouaient avec lui à chat coupé. Ceux de Tolstoï à colin-maillard. Je le vois toujours les yeux bandés, les bras en avant et allant buter dans un fossé, ou contre un tronc d’arbre, avec ses grands cheveux, son nez large, sa blouse de moujik, sa grosse ceinture et ses bottes fabriquées par lui.

Sans quitter la littérature russe, nous trouvons dans Crime et Châtiment et dans l’auteur de ce chef-d’œuvre, Dostoievsky, un remarquable exemple de combat du soi et du moi. Le protagoniste du livre, l’infortuné Rodion, est un protagoniste psychique, chez qui se concertent et s’agitent, se disputent, se massacrent la sagesse individuelle et la folie héritée — apparition du risque — et une dizaine d’ancêtres alcooliques ou tréponémiques. L’atmosphère de cet ouvrage singulier, attachant, d’une analyse intrapsychique relativement facile, est une atmosphère d’autofécondation analogue à celle de Hamlet. Dostoievsky avait pu en rencontrer les masques et les formes extérieures dans les rues de Pétrograde, comme Shakespeare avait pu rencontrer son prince danois et ses camarades soit