Page:Léon Daudet – L’Hérédo.djvu/200

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
192
L’HÉRÉDO

que le miroir nous avertit de notre rapide déchéance physique ? » Quiconque a observé, avec une attention soutenue, les tout petits enfants, a pu constater, chez eux, de très bonne heure, antérieurement même au langage, une personnalité déjà formée dans le ferme ou dans l’irrésolu, dans l’imaginatif ou dans le placide, dans le sensé ou dans l’obtus. Ce qu’il y a en nous de plus dynamique, de plus moteur est aussi ce qui est établi le plus tôt, ce qui se corrompt et se modifie le moins.

Avez-vous jamais pratiqué cet assez difficile exercice que j’appellerai une plongée de mémoire ? Je veux dire cette remontée du temps et de nos propres sensations ou raisonnements, qui aboutit presque au vertige. Comme certains athlètes s’accoutument à un mouvement compliqué, l’introspecteur assidu peut et doit arriver à une véritable virtuosité dans cet art. Je suis parvenu à reconstituer ainsi, exception faite pour quelques rares lacunes, des pans entiers de ma vie intérieure au cours de ma prime jeunesse. Je n’y trouve point ma réflexion si différente de ce qu’elle est aujourd’hui, au moins dans sa trame raisonnée. Bien mieux, j’analysais mes impressions à peu près de la