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LE HÉROS ET SON CONTRAIRE.

On conçoit que le phénomène dit d’autofécondation — intervention dans le moi d’un ascendant complet, sous l’influence du sens génésique — aboutisse souvent, sur le plan physico-moral, à l’extrême fourberie et à la trahison. L’homme double, auquel nous avons alors affaire, a tendance à tenir un langage qui soit le contraire de sa pensée, à poursuivre un plan opposé à celui qu’il proclame ou avoue, à déjouer perpétuellement autrui. Cette hypocrisie frénétique lui est tantôt un soulagement, tantôt une fatigue, selon qu’il est en excitation ou en dépression.

J’ai rencontré aussi ce type assez rare et d’un diagnostic malaisé, quand on n’a pas étudié le drame intérieur. Physiquement Arbate était comme tout le monde, et même assez beau garçon. Néanmoins deux tares d’hérédo apparaissaient en lui : le regard invraisemblablement fuyant ; les mains courtes, aux doigts fuselés en pointe, comme des estompes, et très mous. Il était brave et sans loyauté, menteur et laborieux, de culture très médiocre et fort vaniteux. Mais, à certains jours, l’ancêtre de ses mains et de ses yeux s’installait dans son moi comme chez lui et s’y livrait à des combi-