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LE HÉROS ET SON CONTRAIRE.

métier. Il appartenait à une race nomade et dispersée chez les autres peuples. Ce n’était pas un méchant homme. En dehors de la vanité poussée jusqu’à la caricature et d’un snobisme vertigineux, on ne remarquait en lui rien d’extrême, ni de saillant. Il pouvait à l’occasion rendre un service, à condition d’en tirer une attitude. Cependant le besoin de trahir était chez lui poussé au degré qu’atteignent chez d’autres la faim et la soif. Cette concupiscence le prenait par bouffées, par crises mêlée à des images de cupidité d’argent, qui lui faisaient la bouche sèche et les yeux vagues, incapables de se poser ici ou là. Dans ces minutes ethnoplastiques, Judas appartenait visiblement à une longue lignée de marchands, qui avaient vendu à faux poids tout ce qu’il est possible de vendre, de guides de l’ennemi, de livreurs de plans de forteresses, etc. Les circonstances firent qu’un jour, à l’occasion d’un événement tragique, je le pris sur le fait dans l’exercice de son penchant. Il tremblait de tous ses membres. Il retenait avec peine, sur ses lèvres pâles, un aveu qui l’empoisonnait. La curiosité psychologique l’emportait chez moi sur le dégoût et je distinguais,