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L’HÉRÉDO.

Certaines pièces des Olivades m’apparaissent comme le sommet de l’art, d’où descendent les deux versants de la spontanéité et du labeur : un chant de pâtre sous les pures étoiles.

Mistral évitait avec soin toute perturbation, toute agitation, même morale. Quelques jours avant sa mort, il alla faire solitairement une promenade dans les Alpilles, un des sites les plus harmonieux qui soient, afin de passer en revue les beaux souvenirs de sa longue vie, d’emplir une suprême fois ses regards de la splendeur créée. Que ne pouvons-nous connaître la méditation de ce noble génie, sur le point de perdre vent et haleine — comme dit Villon — et de suer « Dieu sait quelle sueur ! » L’essentiel des âmes nous échappe toujours. C’est une des mélancolies d’ici-bas. Nous traversons ces champs d’asphodèles, avec à peine une vague idée de leurs formes et de leurs parfums.

Je noterai ici une circonstance déjà lointaine — en 1890 — où m’apparurent, dans un éclair, la distinction du moi et du soi et la lutte intérieure. Nous nous trouvions, Mistral, mon père et moi, dans une ferme de Provence, aux portes d’Arles. Alphonse Daudet et l’au-