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LE HÉROS ET SON CONTRAIRE.

C’est en ce sens que les humanités, indispensables à l’homme cultivé, sont si favorables à l’éclosion du génie individuel, au sens « ingenium ». Elles augmentent le domaine de l’intelligible, aux dépens du prétendu inconscient, du trouble apporté par l’instinct génésique.

Chaque fois que je me suis trouvé en présence de Mistral, j’ai admiré d’abord sa haute sagesse et la façon dont il tenait en main les rênes de son imagination et de sa sensibilité. Les gens disaient de lui, comme on disait de Gœthe : « Il peut être froid et distant. » Or, Mistral était le plus sympathique et le plus ouvert des hommes, à condition qu’on ne dirigeât aucune attaque ni atteinte contre son secret, qui était la maîtrise intérieure. Il vénérait ses ascendants méritoires, comme doit le faire tout bon traditionnel, mais il ne les laissait pas intervenir, sous forme d’humeurs déviantes, ni d’excitants, dans ses jugements. Analyste comme pas un, synthétiste à la façon des grands créateurs, il tenait la balance égale entre ces deux stimulants de l’esprit. Le Poème du Rhône en est la preuve auguste, ainsi que les admirables Olivades, son dernier livre.