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L’HÉRÉDO.

provençal, et repensa ainsi, un par un, tous les mots de ses parents et arrière-parents. Qu’est-ce que le mot ? Un conglomérat, transmis du passé. En scrutant et déterminant son sens, ses racines, son emploi, Mistral se délivrait de l’obsession que ce conglomérat héréditaire eût, sans cela, exercée en lui, sous la forme indistincte ou fantômale. Il le restituait à son soi, en même temps que son impulsion lyrique lui faisait, dans ses poèmes, un sort nouveau. Qu’on ne s’y trompe point, la passion de l’étymologie, dont sont animés quelques bons écrivains, d’âge en âge, n’est que l’effort sourd de leur personnalité véritable, non commandée, pour échapper aux hérédismes. Ils chassent l’automatisme verbal en vérifiant et examinant le verbe. Ils renforcent ainsi la clarté, le brillant du premier outil de la conscience, le plus usuel et le plus exposé. Il y a là une donnée dont nous devrons tenir compte dans le traitement psychoplastique de l’hérédo. Le mot, dont sont victimes les natures faibles, peut et doit être facteur de délivrance, à condition d’être repensé, ressenti et hiérarchisé. Le « jardin des racines grecques et latines » de notre enfance était une trouvaille de pédagogie.