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L’HÉRÉDO.

contre l’appauvrissement qui s’appelle centralisation et contre l’oubli. Pour mener une telle lutte, il fallait être descendu au plus profond de l’ethnoplastie, dans ces régions intellectuelles — et nullement inconscientes — où l’on apprend à relever, à restaurer. Les poèmes divins de Frédéric Mistral ne furent qu’un moyen de maintenance, qu’un appel aux forces qui préservent contre les forces qui délitent. Jamais chantre inspiré ne sut mieux ce qu’il faisait, ni comment il le faisait. Le mérite extraordinaire de Mireille et de Calendal, du Poème du Rhône et des Iles d’Or, c’est que les effets que tant d’autres, et des mieux doués, Hugo par exemple, tirent de l’indéterminé et du nébuleux, Mistral les tire de la précision. Il nomme et décrit amoureusement les trente et une pièces de la charrue. Son mystère est fait de plein soleil, du prolongement de l’exactitude par le rayon. Ainsi Homère et Virgile.

Si j’en crois les récits qui m’ont été faits, son hérédité, bien que paysanne, n’était pas simple. Il n’y a pas à s’en étonner. Les plus beaux « soi » se conquièrent, de haute lutte, dans des lignées où abondent les « moi » chargés d’ancêtres. C’est alors, nous l’avons vu,