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LE MODELAGE DES ELEMENTS DU MOI.

déplacements, de leurs métamorphoses, déplissements et repliements, comme le fumeur s’amuse des nuées qui sortent de son cigare ou de sa pipe. L’apparence des choses lui suffit, en dehors de toute réalité. Ses jours s’écoulent à combiner des images éparses, indistinctes, dont aucune ne se concrétisera en acte. Il aura même de la répugnance à les fixer. On conçoit combien la guérison d’un semblable trouble de la personnalité est difficile, puisque le point d’appui manque presque complètement, puisqu’il n’y a même pas de résistance, puisque tout conseil raisonné est saisi aussitôt comme aliment pour un nouveau rêve. Le salut est dans l’affirmation, mais comment l’obtenir et comment délimiter, tenir une raison constamment enveloppée de nuages ?

Gérard de Nerval fut un rêveur. Son œuvre délicieuse est une féerie, mais qui rend un son douloureux. Elle est comparable à un écran de cinéma, sur lequel passe l’échevèlement en argent et or de nombreux hérédismes, où dominent le marin, le pasteur et le forestier. Le soi a délégué le risque au-devant de cette invasion, mais le risque se retourne contre