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L’HÉRÉDO.

appelant à sa suite tous les maux de l’automatisme, dont le pire est l’aveuglement quant à la liberté intérieure. Ils habitent une prison forgée par eux, et ils s’en désolent. Le risque lui-même, vicié par une telle atmosphère et retourné contre le risqueur, se transforme chez eux en appétit du suicide, en aspiration au néant. Il n’est pas de typification plus redoutable.

Le rêveur est un type psychique sur lequel il faut insister, car, s’il s’exprime d’âge en âge par certains poètes ou philosophes, il est fréquent chez les non-intellectuels, qui ne laisseront pas de vestiges écrits. Un nombre considérable d’humains rêvent leur existence au lieu de la conduire et, léguant ce trait à leurs descendants, peuplent notre monde terrestre de puérils, de timides et d’irrésolus. L’inagissant s’appelle légion.

Qu’est-ce que le rêveur. C’est celui chez qui le ressort du soi est détendu, en même temps que l’instinct génésique. Le drame intérieur, dans ses deux premiers actes — éveil, puis modelage des éléments héréditaires — est chez lui réduit au minimum, à un jeu de vapeurs errantes et diffuses. Il se distrait de leurs