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L’HÉRÉDO.

Un autre exemple très caractéristique est fourni par Edgar Poe, dont les habitudes d’intempérance sont connues.

Edgar Poe, tel qu’on doit le juger d’après son œuvre, possédait un remarquable soi. Sous la trame resplendissante et capricieuse de ses projections hérédolittéraires, apparaît un sens de l’équilibre sage, qui ne fut jamais altéré. Peu d’humains manifestèrent au même degré cette conscience de l’unité dominant la diversité et des hiérarchies intellectuelles, morales, sociales, qui se remarque dans ses dialogues philosophiques — Monos et Una, par exemple — et dans quelques-unes de ses poésies et qui, nous l’avons vu, est un des signes de la prédominance du soi. L’obsession du passé, qui constitue la trame du Corbeau et de Ulalume, témoigne d’un moi en rumeur, perpétuellement parcouru, hérissé de reviviscences, de protagonistes, puis brusquement repris et dominé par le besoin de l’introspection lucide. Cependant l’ivresse chronique exaltait puis déprimait chez lui l’instinct génésique, lequel de son côté poussait à la typification, à des résurrections successives de braves, de poltrons, de menteurs, de prodigues, de ver-