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L’INSTINCT GÉNÉSIQUE.

— Guéri de quoi ?

— De mon amour pour — ici le nom de la femme. — J’en suis certain, je suis délivré. Ah ! saperlotte, je l’ai échappé belle ! »

Sa mine, son aspect étaient tels que d’un prisonnier évadé. Il riait. Il eût presque dansé. Je n’en revenais pas. Je lui demandai :

« Comment cela s’est-il passé ?

— Oh de la façon la plus simple du monde. Depuis deux ans j’étais fou, avec un tout petit coin de lucidité, que je te dissimulais soigneusement, de peur que tu ne le bouches, en essayant de l’agrandir. C’est ce filet de lumière qui m’a sauvé. J’ai pris l’habitude de me représenter nettement, clairement, d’abord cinq minutes par jour, puis avec plus de fréquence :

1° La déchéance et la ruine qui me menaçaient.

2° La douleur de ma rupture, si jamais je parvenais à l’accomplir… Cet entraînement méthodique m’a énormément coûté pendant six semaines. Ensuite, je ne pouvais plus me passer de cette gymnastique morale, au bout de laquelle m’apparaissait la délivrance. Celle--