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L’HÉRÉDO.

vouloir, ou dans une partie de l’équilibre sage, et aussitôt le désir tombe et se dissipe, ainsi que la brume au premier rayon du soleil. C’est une expérience que chacun peut faire et qui nous prouve avec quelle facilité nous pourrions, si nous le voulions, combattre et vaincre nos désirs en apparence les plus irrésistibles. La simple nature s’en charge quelquefois. Tel qui se croyait esclave assiste brusquement, avec bonheur, à la rupture presque spontanée de ses fers.

J’avais un ami médecin — appelons-le Fabien — laborieux, d’une grande force morale, mais d’un tempérament de feu. Son malheur voulut qu’il s’éprît d’une femme belle et séduisante, parfaitement indigne de lui. Il en perdait le boire et le manger. La possession, éveillant en lui la jalousie et déchaînant les hérédismes qu’il ne libérait plus dans son travail, acheva de le martyriser. Cela dura deux ans. Je commençais à craindre que cette belle intelligence ne sombrât dans une passion si absorbante et orageuse, quand un jour Fabien tomba chez moi à huit heures du matin. Je somnolais encore. Il me dit :

« C’est fait, je suis guéri.