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SHAKESPEARE ET BALZAC.

correspondance, il est très sensible que le déclenchement de son génie d’observation, à bord du Beagle, fut chez lui une décharge héréditaire. Les portes de son esprit de synthèse-analyse s’ouvraient chez lui successivement, comme poussées chaque fois par des mains invisibles d’explorateur et de jardinier. Je suis porté à croire — mais ce n’est qu’une supposition appuyée sur un certain nombre de remarques — que la série des métiers manuels donne, dans la descendance, des savants, que les bergers, les marins et les guerriers forment des auteurs dramatiques et des hommes de lettres. On dirait que la vie en plein air favorise l’expulsion des hérédismes et pousse à la concentration du soi. Ce qui est certain, c’est que les savants sont plus soucieux, plus inquiets, plus tourmentés que les écrivains et que les artistes. J’ai fréquenté les uns et les autres. La différence est très frappante. La plupart des savants n’osent pas vivre, ou entrent trop tard dans la vie, semblent partagés, tiraillés entre des penchants inharmonieux. Ils ont des entêtements animaux et des naïvetés de tout jeune enfant. En dehors de leur spécialité, la vérité politique ou psycholo-