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ALPHONSE DAUDET

que celles qui suivent, quant à la propriété du langage et à l’équilibre. Elles viennent plus du tempérament que du caractère, cette absolue maîtrise de l’écrivain. Ce qui appartient à mon père, c’est une concision dans le pittoresque, un tissu de la nature morale et de la nature physique, un dédain des ornements inutiles qu’aucun, même parmi les plus grands, ne montra à un degré supérieur. Les êtres sont caractérisés à mesure qu’ils sentent, pensent et agissent ; leur type se complète par leurs passions ; aucun hors-d’œuvre n’est en surcharge. Chaque trait marque, concorde à l’ensemble. Le livre est tel qu’au souvenir ; il suit le mouvement de la vie, fondu pour l’accessoire, exalté pour le principal, violent dans les passages de nerfs, calme après les détentes. Chaque personnage a son atmosphère, chaque scène son point culminant ; tout vise à un but unique. Une multitude d’exemples particuliers embellissent, corroborent le modèle central. De là cette puissance classique, dont les contemporains eux-mêmes se sont rendu compte, cette vigueur élégante et cohésive qui soustrait l’œuvre à toute détermination momentanée de « naturalisme », de « réalisme », la rattache à la tradition nationale, au bien-fonds harmonieux de notre race.

C’est que l’effort ne commence point au moment où l’auteur prend la plume. Il est dans la