Page:Léon Bloy - Le révélateur du globe.djvu/109

Cette page n’a pas encore été corrigée

aussitôt sa proie. Il y a quelques années, le savant et courageux abbé Margotti déplorait l’outrage commis contre Colomb par la gouvernement piémontais, en plaçant son effigie en face de celle de Cavour, sur les billets de banque, mettant ainsi au même rang le défenseur de la royauté pontificale et le destructeur du pouvoir temporel. Depuis lors, les démocrates italiens ont entrepris de confisquer cette personnalité vénérable. Ils ont prostitué le nom de Colomb, le traînant dans leur fange, le donnant à des écoles d’enseignement obligatoire et laïque, à des tavernes, des estaminets, des tripots. Les sectaires des sociétés occultes, les agents du communisme et de l’internationale, ces violents ennemis de la Papauté l’ont pris pour mot de passe. Ils ont souillé à plaisir ce nom sublime, le faisant servira fonder, qui l’eût osé croire !… une loge de francs-maçons ! Poursuivant leur abomination, ils ont attribué un rôle à Christophe Colomb dans une de leurs scènes favorites d’impiété. Le 17 mars 1872. ils lui ont réservé une place marquante à l’enterrement civil le plus solennel qu’on ait encore vu : celui du chef démoniaque des révolutionnaires, le grand hiérophante de l’assassinat, le frénétique Mazzini.

« Ils ont mis sur le char funèbre, près du cercueil, le portrait du serviteur de Dieu avec ceux de l’hérésiarque Arnaud de Brescia ; du conspirateur Colas de Rienzi et du ténébreux Machiavel, et ces funérailles impies n’ont soulevé personne [1]. »

  1. L’Ambassadeur de Dieu et Pie IX, Plon, 1874.
    On ne saurait assez insister sur le zèle extrême qui pousse les ennemis de la Papauté à s’emparer à toute force du nom de Colomb, à confisquer au profit de leur ténébreux calendrier cette éblouissante renommée. Le 22 juin 1879, une société démocratique d’ouvriers turinois, au nombre de plut de 600, vint à Gênes pour célébrer l’anniversaire de Ja naissance de Mazzini, patriarche et pontife des assassins, qu’ils appellent V Apôtre, il apostolo, comme s’il t’agissait de saint Paul ou de saint André. Vu à une certaine distance, ce pèlerinage impie et grotesque étonne singulièrement. On pourrait conjecturer tout d’abord que la patrie de sainte Catherine a dû faire à ces incroyables dévots l’accueil qui leur convenait et qu’elle les a simplement congédiés avec ignominie. C’est le contraire qui est arrivé. Une partie de la municipalité est venue au devant d’eux, bannières et musique en tête. Les maires de Gênes et de Turin se sont réciproquement congratulés. Une immense allégresse maçonnique s’est répandue sur la cité. Les frères et les amis se sont ouvert leurs âmes les uns aux autres. Une extraordinaire ferveur s’est rallumée en ce jour pour la révolution et contre Dieu. Alors on est allé déposer des guirlandes de bronze sur la tombe de Mazzini et sur le monument de Christophe Colomb. Ces deux hommes ont été ainsi réunis et confondus dans la même apothéose. Le disciple du Verbe incarné, le sublime Porte-Croix de la mer Ténébreuse, le doux patriarche des missions transatlantiques, à reçu dans sa propre patrie le même infâme honneur que l’odieux mystagogue des coupe-jarrets politiques. Celui-ci a été déclaré son égal en mérite, en gloire, en apostolat, et je n’ai pas appris qu’une seule voix indignée se soit élevée pour la justice au milieu de ce diabolique concert. Le lendemain, 23, une fête nouvelle a rassemblé ces énergumènes au théâtre du Politeama et, au moment où l’Église universelle chantait les premières vêpres de la Nativité du Précurseur de Jésus-Christ, la franc-maçonnerie des deux cités italiennes, convoquée en cet auguste endroit pour célébrer la nativité de son plus grand homme, a fait entendre de nouveaux discours où les noms de Mazzini et de Colomb s’entrelaçaient amoureusement pour la plus grande jubilation de ce noble peuple qui sait glorifier comme cela l’héroïsme de ses enfants !