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LA PHILOSOPHIE PRATIQUE

recherche, constituent la vertu propre du Savant : et c’est cette vertu, cette passion de la vérité, d’un mot, cette probité de l’intelligence qu’il a le Devoir de transmettre à ses disciples à défaut du génie qui ne se communique pas. Elle sera pour eux dans la vie la meilleure conseillère de leur conduite, les éloignant de tout ce qui est vil et vulgaire, des fantaisies des sens ou de l’imagination, de tout ce qui abaisse ou obscurcit l’intelligence, de tout ce qui peut compromettre sa dignité et la foi en son œuvre ; elle sera vraiment pour eux le substitut du génie, sa manifestation en eux ; elle fera en un mot toute leur valeur morale.

Maintenant l’œuvre du Savant peut être considérée à un double point de vue : au point de vue de la propagation de la Science, de l’éducation de futurs Savants ; au point de vue de la création de la Science, de la production. Le Savant peut être considéré comme professeur ou comme écrivain solitaire, et ses Devoirs comme professeur diffèrent de ses Devoirs comme écrivain.

Comme professeur il a pour mission d’inculquer ses idées aux esprits de ceux qui l’écoutent : son Devoir est alors d’être à la fois clair et vivant, car c’est en raison de la clarté et de la vie de son enseignement que ses idées pénétreront les esprits ; son Devoir est encore d’adapter ses idées à la diversité des intelligences, d’en varier indéfiniment l’expression, c’est là le talent de l’exposition, l’art même du professeur ; enfin il doit encore, s’il veut atteindre son but et agir sur ses auditeurs, avoir le don de la parole, autrement son enseignement resterait mort et stérile.

Comme écrivain, le Savant a d’autres Devoirs : il n’a plus à se soucier de cette adaptation de sa pensée aux esprits de ses auditeurs, de cette vulgarisation de ses idées. Il doit exprimer ses idées sans réticence dans toute leur plénitude, au besoin dans toute leur obscurité ; son Devoir essentiel c’est de faire véritablement acte de Savant, c’est-à-dire de ne pas se borner à répéter ce que d’autres ont dit, ce qui constitue déjà le trésor accumulé de la Science — auquel cas son