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LA RELIGION DU CRIME.

de faire un bien mauvais rêve. Henri V revenait. La Bretagne, la Vendée, le Poitou se levaient à son appel. De toutes parts retentissaient les vieux cris des saintes croisades : Dieu le veut ! En avant pour le roi ! Je ne sais pourquoi j’essayais alors une des armures de mes aïeux ; mais cette armure n’était pas à ma taille ; elle m’écrasait de son poids. Je me suis assis à terre et j’ai pleuré.

— Triste rêve, en effet, dit l’abbé Meurtrillon.

— Ô mes aïeux, que vous étiez grands ! s’écria M. de Maurelent.

Et, désignant à l’abbé Meurtrillon l’armure voisine de la cheminée :

— Cette cuirasse annelée, c’est l’armure de Tancrède de Maurelent qui se leva à la voix de Pierre l’Ermite et qui prit part, le 15 juillet 1099, à l’assaut de Jérusalem.

Puis, désignant les armures suivantes :

— Cette brigandine, c’est Amaury de Maurelent qui, se croisant sur l’appel de saint Bernard, prit part au siège de Damas. Cette cotte d’armes, c’est Pierre de Maurelent qui, appelé par Guillaume de Tyr, fut tué devant Saint-Jean-d’Acre. Ce hallecret, c’est Jacques de Maurelent qui, en 1229, releva la croix sur l’église du Saint-Sépulcre. Cette sarrazine, c’est Dieudonné de Maurelent qui, sur l’ordre de Grégoire IX, partit pour la Terre-Sainte et combattit à Gaza. Et cette armure, qui porte un faulcre sur la mamelle droite de la cuirasse, c’est Amadis de Maurelent, qui s’embarqua avec saint Louis à Aigues-Mortes et mourut de la peste devant Tunis le même jour que le roi…

M. de Maurelent s’exaltait peu à peu.

— Regardez… regardez, ajouta-t-il… Voici l’épée de mon père, l’épée du vaillant et loyal Bérenger de Maurelent, qui se leva le 10 mars 1793, au bruit du tocsin sonnant dans six cents villages de la Vendée, et qui combattit et mourut à Savenay, partageant l’agonie et la mort de l’armée catholique. Oui, mes pères, vous étiez grands ; mais je veux être grand, moi aussi. Le clairon sonne. Le roi m’appelle. Je veux me lever ! Je veux, je veux combattre ! En avant, pour le roi et pour la patrie !

M. de Maurelent essaya de se dresser sur sa couche, mais il n’y put réussir.

Une écume blanche couvrit ses lèvres pâles.

La comtesse prit dans ses bras la tête chauve de son mari et l’embrassa sur le front.