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LES ROMANS ANTI-CLÉRICAUX.

de couleurs résultant de l’ombre des cannelures était à peine sensible.

On y voyait sainte Radegonde enfant et destinée à devenir la femme de Clotaire, étudiant dans la maison royale d’Athis-sur-Somme ; sainte Radegonde, reine des Francs Neustriens, soignant les malades ; sainte Radegonde couchant étendue sur un cilice pour ne point partager le lit de Clotaire ; sainte Radegonde se faisant nommer diaconesse par saint Médard ; sainte Radegonde fondant à Poitiers l’abbaye de la Sainte-Croix ; sainte Radegonde et Agnès soupant avec le poëte Fortunatus dans une des salles du monastère, et enfin sainte Radegonde étendue pâle sur son lit de mort.

Deux de ces tapisseries, plus modernes, étaient l’œuvre du célèbre Amaury de Goire.

Ce qui préoccupait l’abbé Meurtrillon, c’était bien moins sainte Radegonde que la comtesse de Maurelent.

Celle-ci continuait de regarder de temps à autre son mari. Ce même sourire que le prêtre avait entrevu, sourire aussitôt réprimé, déchirait parfois sur le visage de Mme de Maurelent le masque de la douleur.

Ce n’était qu’un éclair, mais qui ne pouvait échapper à un homme perspicace comme l’ancien aumônier des Servantes de la discipline.

Tandis que l’abbé Meurtrillon, qui depuis quelques secondes semblait méditer, la tête penchée, lisant son bréviaire, suivait à travers l’ombre de ses cils toutes les nuances de la physionomie de Mme de Maurelent, le vieux comte poussa un gémissement et s’éveilla.

— Tu souffres, mon ami ? demanda la comtesse en se levant avec sollicitude.

— J’ai soif, répondit le malade.

Mme de Maurelent, approchant des lèvres de son mari une tasse de tisane tiède, dit d’une voix douce :

— Bois…

L’abbé Meurtrillon laissa boire le malade ; puis, lui tendant la main :

— Eh bien ! mon cher comte, vous êtes donc souffrant ?

— Ah ! monsieur l’abbé… c’est vous… Oui, vous me trouvez changé, n’est-ce pas ? Je ne puis plus faire un mouvement. Mais Mme de Maurelent me soigne avec la douceur d’un ange.

— C’est mon devoir, répondit simplement la comtesse.

— Mon cher abbé, dit M. de Maurelent d’une voix faible, je viens