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LES ROMANS ANTI-CLÉRICAUX.

Depuis quelques jours, le vieux comte de Maurelent baissait. La vie ne palpitait plus en lui que comme une flamme épuisée qui lutte au creux d’un flambeau et semble prête à succomber sous l’étouffement de la nuit.

En arrivant à Poitiers, l’abbé Meurtrillon, après avoir pris une collation légère, s’était rendu dans l’église de Moutierneuf. Il avait besoin de se recueillir et de tracer d’avance son plan de combat.

Ombre noire se découpant sur le demi-jour qui filtrait à travers les petites fenêtres en plein cintre des bas-côtés, l’abbé Meurtrillon, agenouillé dans la nef, regardait d’un regard en dessous la lumière éclatante du couchant qui entrait avec des couleurs de gloire à travers les larges baies ogivales du chœur.

Il se parlait à lui-même, et de temps en temps aussi parlait à Dieu, qu’il avait pris l’habitude, non sans une pointe d’ironie, de mettre de moitié dans tous ses actes.

C’est ainsi que Louis XI ne manquait jamais de demander à sa Vierge de plomb d’approuver même ses actes de scélératesse.

« Seigneur Dieu, disait Meurtrillon, Seigneur Dieu, si vous existez, écoutez ma voix et inspirez-moi. Puisque vous avez fait le monde, vous savez que le levier qui le soulève est un levier d’or. Puisque vous avez fait l’Église, vous savez qu’elle ne peut vivre qu’à la condition d’être puissante, c’est-à-dire riche. Puisque vous m’avez fait, moi, et puisque vous m’avez mis dans le cœur la sainte ambition de vos intérêts, vous savez que les biens temporels ne me tentent pas pour assurer ma fortune, mais pour assurer votre domination. Vous connaissez mes projets : je veux rebâtir l’édifice de la foi. Le hasard ou votre main, Seigneur, me fournira certainement un jour l’âme neuve que je cherche, l’enfant que j’élèverai et qui déterminera par un miracle la renaissance de l’Église. Oui, je ferai, moi, ce que ne peuvent faire ni les papes, ni les empereurs. Mais, avant tout, je veux être riche. Je serai riche ! M. de Maurelent doit laisser une fortune de plusieurs millions. Il est le dernier de sa race. Il donne évidemment sa fortune à sa femme, car celle-ci a dû le dominer comme une femme de quarante ans, élevée, conseillée par nous, sait dominer un vieillard imbécile et corrompu. Mais qui héritera de Mme de Maurelent ? Il faut que ce soit moi ! C’est moi qui, avant son mariage, quand elle était Mlle de Lynch, ai dirigé sa conscience au couvent des Servantes de la discipline. C’est moi qui l’ai mariée, il y a dix ans. C’est moi qui lui ouvrirai, sous peu, les