« Et je la suis, moi son Seigneur et Maître, |
Tandis qu’Irma chantait à mi-voix, tout en recherchant dans une petite caisse contenant de la sciure les bijoux qu’elle y avait mis sécher et qu’elle essuyait l’un après l’autre avec un linge, la bossue, livide, les lèvres blêmes, furieuse, agitait frénétiquement son cabron, jetant seulement de temps à autre autour d’elle un regard circulaire.
Les ouvrières, sauf Georgette, riaient en se mordant les lèvres.
Georgette, elle, ne riait pas. Elle se sentait prise d’une immense pitié pour cette jeune fille difforme, malheureuse par l’injustice de la nature, méchante parce qu’elle souffrait.
Mais le moyen de faire taire Irma ?
Quand cette bonne langue de polisseuse s’en prenait à quelque camarade, on en avait pour deux heures, et elle ne se taisait qu’épuisée de paroles, de quolibets et de chansons.
C’était l’oiseau moqueur de l’atelier Bec. Le mieux était, comme l’avait fait le patron, de la laisser bavarder jusqu’à ce qu’elle fût lasse.
Georgette, cependant, essaya de changer le cours de la conversation
— Où as-tu pris cette chanson ? dit-elle à Irma.
— C’est une chanson d’Arthur, répliqua Irma.
— Quel Arthur ? demanda Georgette d’une voix presque tremblante.
— Eh bien ! d’Arthur ;… du seul Arthur, du bel Arthur ;… d’Arthur, ami du patron ; d’Arthur qui exerce la profession d’habitué de la brasserie Génin ; d’Arthur Angedemer. Tu ne connais pas Arthur, ?…
En ce moment un bruit de pas arriva dans l’escalier. La porte s’ouvrit et une voix forte, bien timbrée, mais légèrement traînante et accentuant avec prétention chaque syllabe, dit :
— C’est ici, monsieur l’abbé. Veuillez vous donner la peine d’entrer.
Toutes les têtes se retournèrent.