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LA RELIGION DU CRIME.

— Pauvre homme ! dit Georgette émue.

— Voilà pourtant ce qui m’attend, moi, dit Aimable d’une voix aigre, pendant que le contre-maître montait chez Bec.

— Pourquoi ? demanda Georgette avec intérêt.

— Parce que j’ai des étouffements…

— Dame ! avec sa bosse, dit Irma.

— Si j’avais fait comme toi, répliqua Aimable, s’adressant à Irma, le patron ne me renverrait pas.

— Cause toujours, ma petite… Je t’écoute.

— C’est sûr… Il n’y a que les filles sans conduite qui réussissent, fit observer la bossue avec un redoublement d’aigreur.

— Le beau mérite d’être sage, quand ouest fichue comme toi, dit Irma.

— Ce ne sont pas, répliqua la bossue, les occasions qui m’ont manqué.

— Est-ce que le patron t’a fait des propositions déshonnêtes ? s’écria Irma en éclatant de rire.

— Lui comme les autres…

— Ah ! par exemple…

— Et il ne se passe pas de jour qu’on ne me suive dans la rue…

— Par curiosité alors ?

— Tais-toi, Irma, dit tout bas Georgette. C’est cruel ce que tu dis là…

— C’est vrai… j’oubliais… Aimable la bossue est ravissante. Des princes la suivent… Et ce ne sont même pas des princes, ce sont des rois et qui désirent lui offrir leur main. C’est comme dans la Légende du roi qui veut épouser une polisseuse.

Et, sur l’air de Gastibelza, Irma se mit à chanter :

Le roi disait : « J’aime une polisseuse
« D’un chaste amour,
« Et je voudrais à l’enfant vertueuse
« Offrir un jour.
« L’Trocadéro, Bellevill’, Montmartre, Asnière
« Et l’Gros-Caillou…
« Plaignez un roi qu’une simple ouvrière
« Va rendre fou ! (Bis.)

« Moi, le grand chef de l’aristocratie,
« J’suis humilié,
« Car tous les soirs j’l’attends à la sortie
« De l’atelier,