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LES ROMANS ANTI-CLÉRICAUX.

Il disait :

— Non ! cela n’est pas possible. Non, ma mère ne mendiera pas ! Ma vue reviendra. Je ne veux pas que nous soyons misérables !

Depuis deux jours pourtant il était accablé ; mais il voulait se tromper lui-même, croire que son ouvrage était bien fait…

Le patron venait de lui dire le contraire, Jacques le savait bien, depuis trois nuits qu’il ne dormait pas.

C’était fini.

Adieu son beau métier qu’il aimait. Adieu l’avenir rêvé, les projets d’établissement, de repos, de bonheur. Tout s’écroulait.

Jacques était à sa place, tremblant. Il essaya de travailler encore. On n’abandonne pas ainsi son labeur, son pain, sa fierté !

Il essaya, tâtonnant. Il dit tout à coup :

— Non… c’est inutile.

Il n’y voyait plus clair. Alors il prit ses outils et les mit dans un sac, l’un après l’autre. Il les embrassa.

Il était fou de douleur.

— Qu’est-ce que tu fais donc ? dit un camarade.

— Je m’en vais, dit Jacques Lablaude.

— Tu es malade ?

— J’ai eu une discussion avec le patron. Voilà… Le patron a raison… Moi, je n’ai pas tort… Je t’assure que je n’ai pas tort…

— Mais qu’est-ce que c’est ?

— Rien, dit Jacques. Je pars…

Et, prenant son sac, il se dirigea vers la porte, dit d’une voix douce, profonde et déchirante comme un sanglot : « Adieu ! les camarades ! » et il disparut, descendant les escaliers quatre à quatre.

Les malheureux ne sortent pas comme les autres.

Ils voudraient que la terre les engloutît. Les autres s’en vont. Eux se sauvent.

Instinctivement, le contre-maître se leva et alla regarder à la place que venait de quitter Jacques.

Tout son ouvrage y était, bien rangé.

Le contre-maître prit les chaînes et passa dans l’atelier des polisseuses, afin d’éviter les questions des chaînistes.

— Qu’est-il donc arrivé à Jacques Lablaude ? demanda Georgette.

— Vous savez bien, dit le contre-maître, qu’il ne faisait plus l’affaire. Sa vue se perdait…