Page:Léo Taxil et Paul Foucher - La religion du crime.djvu/20

Cette page a été validée par deux contributeurs.


CHAPITRE PREMIER


L’ATELIER DU « TRAVAIL ÉDIFIANT »


— Frotte, frotte, frotte !… Allons, les polisseuses !… On est pressé. Il ne s’agit pas de s’endormir sur le rouge anglais. Travaillons, mademoiselle Irma ! Quand aurez-vous terminé cette parure ? Vous savez que Mme de Salmy la réclame. Elle veut l’avoir après-demain.

— Il faut le temps, monsieur Bec, dit Irma, et il ne suffit pas de crier : Frotte, frotte, frotte ! pour que l’ouvrage se fasse.

— Si vous n’étiez pas restée une heure un quart à déjeuner, répliqua Bec, vous seriez plus en avance. Mais je vous ai vue tantôt devant la boutique des Cingali, regardant à travers les vitres un nommé Jeanseul, une espèce de poète complètement toqué. Vous étiez là, bouche béante, ayant l’air d’attendre le Messie.

— C’est un joli garçon, répondit Irma.

Et elle ajouta en riant :

— Pas le Messie… M. Jeanseul… Et puis, il paraît qu’il s’appelle Maximilien… J’aime son nom… C’est comme Robespierre, dont il est question dans une histoire que j’ai lue un jour sur un papier où le charcutier m’avait mis deux sardines.

— Et vous, mademoiselle Aimable, dit le patron en se tournant vers une petite bossue qui, hissée sur une haute chaise d’enfant, polissait un bracelet, avez-vous bientôt fini ?

— Je frotte assez, Dieu merci, dit Aimable. Je frotte depuis huit heures du matin, et il est neuf heures du soir.

— Je vais vous plaindre…

— Si vous frottiez depuis que je frotte, vous auriez la danse de saint Guy. Mon cabron n’arrête pas…

— Poussez votre cabron et retenez votre langue.