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LES ROMANS ANTI-CLÉRICAUX.

Guillotiné, ce qui montre que j’avais affaire à une société choisie, se jetait sur moi, lame ouverte, j’ai eu la satisfaction artistique d’attraper ce scélérat par les jambes et de l’obliger à exécuter une de ces voltiges aériennes qui font en ce moment la vogue des gymnastes américains.

En entendant prononcer ce nom : le Guillotiné, la Trois-Pattes avait tressailli.

— Vous l’avez tué ? dit-elle vivement.

— Comme il se sauvait en hurlant, car il devait être bosselé, j’ai couru après lui, répliqua Jeanseul, et je lui ai crié en lui jetant ma bourse : « Si tu as faim, mange, mais n’attaque plus les gens ! » Le drôle a filé sans comprendre, et moi, dans le brouillard, je n’ai pu retrouver ma bourse.

— Mais cette blessure à la main ? demanda le docteur.

— Ce n’est rien… C’est une simple estafilade. Je vous ai dit mon nom : je m’appelle Maximilien Jeanseul. Ma famille ? père et mère inconnus. Ma profession ? je suis rentier pendant les trois ou quatre premiers jours du mois, et le reste du temps sans le sou, parce qu’il me plaît de disperser tout ce que j’ai aux quatre vents de la bienfaisance. Bourse vide et cœur plein, c’est ma devise. Bah ! je suis gai comme un rouge-gorge. Je chante. Je suis poète à mes heures. Je demeure rue du Mûrier, dans l’ancienne maison de Ronsard. C’est là que vous me trouverez si vous avez jamais besoin de quelqu’un qui veuille faire des vers pour les pauvres. Et maintenant que vous me connaissez, ajouta Jeanseul d’un ton de timidité qui contrastait avec le ton d’insouciance calme dont il avait raconté son aventure, pourrai-je venir prendre demain des nouvelles de la malade ?

— Quand vous voudrez, monsieur, dit le docteur qui ne cessait de considérer Jeanseul avec une attention pénétrante. Mais, dit-il vivement, vous n’allez point partir. Le brouillard est épais. Vous pourriez être attaqué de nouveau.

— Parbleu ! dit Jeanseul, je m’en moque, et c’est votre question qui m’a fait raconter la petite affaire de tout à l’heure dont je n’ai pas lieu de tirer vanité, car j’ai tout simplement abusé de ma force. C’est d’ailleurs la seconde fois que je suis attaqué depuis un mois. J’aurais bien autrement châtié ces polissons si je n’avais eu peur que leurs cris n’attirassent les sergents de ville.

— Vous craignez donc la police ? demanda le docteur.