Page:Léo Taxil - Les trois cocus.pdf/117

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
105
LES TROIS COCUS

Durant, deux heures on le fit pomper, grimper sur des échelles, on le mit à la chaîne, on lui commanda de saper une poutre ; bref, on lui imposa mille corvées qu’il trouvait absolument désagréables.

Enfin, quand on fut maître du feu, il réussit à se glisser dans la foule, sous prétexte d’aller porter un ordre, et il s’esquiva.

Il était minuit lorsqu’il rentra à son logis.

Ursule, sa bonne, qui était accoutumée aux escapades de son maître, s’était couchée sans l’attendre.

Comme il n’avait pas ses défis, qui étaient au pouvoir de Philéas, il sonna discrètement à la porte de son appartement.

— Qui est là ? demanda Ursule.

— C’est moi, j’ai perdu mes clefs.

— Voulez-vous attendre un moment, Monsieur l’abbé ?… Je vais m’habiller et vous faire de la lumière…

— Mais non, ouvre tout de suite,

— C’est que je suis en chemise.

— Cela m’est bien égal… Ouvre et n’allume pas ta chandelle… Je connais le chemin, sapristi !

Ursule ouvrit donc, l’abbé cuira, et, grâce à l’obscurité, sa bonne ne vit point dans quel étrange costume il rentrait.

L’abbé se déshabilla sans bruit et serra précieusement l’uniforme de Philéas dans une armoire.

— Cela pourra me servir, pensa-t-il, pour faire des farces pendant le carnaval prochain… Quant à mon costume, à moi, j’en serai quitte pour reprendre demain ma dernière soutane et pour m’en commander de suite une seconde neuve que je mettrai au plus tôt… Ursule elle-même ne se doutera de rien.

Ce qui l’ennuyait, c’était la perte de son portefeuille oui, indépendamment du petit dossier du prêtre polonais, contenait des papiers très importants. L’abbé Vasilii Groussofski ne tarderait pas à venir lui réclamer ses lettres de recommandation, ses certificats et son passe-port. Que répondrait-il ?

Donc, tandis que Laripette rédigeait, de concert avec Bredouillard, son assignation contre M. Tardieu, l’abbé Romuald Chaducul était reçu par sa pénitente, madame Mortier.

— Ma chère Marthe, lui disait-il, j’ai beaucoup souffert hier à cause de vous… D’abord, la fumisterie de mon curé… ensuite, ce déguisement forcé que j’ai dû prendre… Ah ! si vous saviez quel calvaire ! quel calvaire !… Je vous racon-