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LA VIE DE JÉSUS

La petite mère se campa, regarda bien en face le seigneur Jésus, et s’écria :

— Ma parole, vous êtes renversant, vous ! Vous devinez tout ça rien qu’au premier coup d’œil… Vous êtes sorcier, alors ?… Ah ! ça, c’est donc vrai ce qu’on m’avait dit, que les docteurs de Jérusalem étaient au courant de tout !… car, je le comprends très bien à présent, vous êtes un docteur de Jérusalem… À vos habits fripés, on ne s’en douterait pas ; mais enfin, mettons que les savants de chez vous sont vêtus de guenilles… Voyez tout de même comme on peut s’entendre… C’est une simple bagatelle qui divise nos deux races : nos pères ont adoré Dieu sur cette montagne, et, vous autres, vous dites qu’il faut aller l’adorer dans le temple à Jérusalem.

Jésus attira la Samaritaine à lui :

— Croyez en moi, lui dit-il ; l’heure vient où vous n’adorerez plus le Père ni sur cette montagne, ni à Jérusalem. Celui que vous adorerez, ma mignonne, ce sera le Messie, ce sera le Christ.

— En effet, on nous a dit, dans le temps, qu’un Messie devait venir et qu’il nous apprendrait beaucoup de choses. Où est-il donc ce Messie ?

— C’est tout bêtement moi.

— Ah bah !

— Je vous l’affirme, vous pouvez me croire sur parole. La Samaritaine était portée à la dévotion comme toutes les femmes de mœurs légères. Elle ne demandait pas mieux que d’adorer quelqu’un de plus. Elle se jeta aux genoux de notre vagabond, et elle lui embrassait les mains. Celui-ci se félicitait de son succès.

Tout à coup parurent les disciples.

— Zut ! se dit en lui-même Jésus, quels fâcheux ! ils arrivent juste au moment où la conversion de cette belle enfant allait être complète.

La Samaritaine, confuse d’avoir été surprise en pleine campagne à baiser les mains d’un gars, se sauva prestement en laissant là sa cruche.

Et des gens de Sichem, l’ayant rencontrée sur la route dans ce désarroi, lui demandèrent :

— Pourquoi courez-vous de la sorte ? Vous êtes toute troublée.

— Il y a de quoi, fit-elle. J’ai vu un homme que je ne connaissais pas. Il m’a raconté un tas d’histoires, les miennes ; il m’a dit qu’il était le Christ. Si cela était vrai par hasard ?…

Les gens de Sichem ne manquèrent pas de s’arrêter au puits où se tenait le personnage étrange qui leur était signalé.

Notre homme, se voyant le point de mire de la curiosité, ne manqua pas alors, de débiter un petit boniment.

Tandis que ses camarades lui offraient des provisions, en lui disant : « Maître, mangez », il répondit tout haut, de façon à être entendu de tout le monde :