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LA VIE DE JÉSUS

— Tant mieux, mes amis, et que devient-il ?

— C’est un plagiaire. Il paraît qu’il nous imite à présent. Il se met à baptiser comme s’il n’avait fait que cela dans sa vie, et, le plus vexant de l’histoire, c’est que tout le monde va à lui.

Sentez-vous toute l’aigreur qui ressort de cette plainte ?

Jean-Baptiste et ses disciples avaient dû renoncer à opérer gratuitement. Une concurrence s’établissait à quelques lieues de leur petit commerce ; les disciples se montraient vexés.

Mettez-vous un peu à leur place ! Le métier était devenu bon, et voilà un gaillard qui venait le gâter.

Pour le coup, ils furent furieux.

Notre Jean, — tranquille comme Baptiste, c’est le cas de le dire, — écouta leurs doléances.

Il haussa les épaules et répondit à ses disciples :

— Le soleil luit pour tout le monde, la concurrence est l’âme du commerce. L’homme ne peut rien avoir qu’il n’ait reçu préalablement du ciel. Il faut envisager les choses, mes amis, d’une façon un peu plus large, saperlotte ! Je vous ai toujours dit que je n’étais pas le Christ et que j’étais seulement envoyé pour l’annoncer.

— Soit, repartirent les autres, mais c’est vous qui avez eu l’idée du baquet d’eau ; le Christ pourrait bien se dispenser de vous copier et de nous porter ainsi préjudice.

Jean de plus belle haussa les épaules.

— Vous me faites rire, s’écria-t-il. Ayez un peu la bonté d’écouter cette comparaison : L’époux est celui à qui est l’épouse, pas vrai ? Or, quand un individu assiste au mariage de son ami, il est transporté de joie à l’aspect du bonheur de son ami qui épouse. De même, moi, je suis transporté de joie en apprenant que mon cousin Jésus est heureux de baptiser. Au lieu d’être jaloux de son bonheur, je m’en réjouis. C’est à cela que l’on reconnaît les vrais amis. Jésus croît tous les jours, et moi, au fur et à mesure, je diminue. Vive mon cousin !

Et, comme les disciples n’étaient pas convaincus par ce raisonnement, le fils de Zacharie ajouta :

— Voyez-vous, mes petits agneaux, nous provenons de la terre, tandis que mon cousin vient du ciel. Par conséquent, il est bien au-dessus de nous ; c’est clair, cela !

Les disciples souriaient.

— Ah ! ne riez pas de la sorte, s’écria Jean-Baptiste ; vous me bassinez à la fin. Jésus est le fils du pigeon, et le pigeon est Dieu. Ce n’est pas sans motif, nom d’un petit bonhomme ! que le pigeon a mis au monde un fils. Dieu aime son fils, hein ? Alors, si vous voulez suivre mon conseil, ayez le bon esprit de ne pas tarabuster Jésus, vu que celui qui croit au fils de Dieu aura la vie éternelle, et, au contraire, celui qui ne croit pas attirera sur lui la colère de Dieu. Gare !

Cette fois, les disciples jugèrent inutile d’insister. Ils pensè-