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LA VIE DE JÉSUS

Voici comment les choses se passaient :

L’épouse se préparait avec soin au grand jour. D’abord, la veille, elle prenait un bain, — ce qui, quelquefois, était une nouveauté pour la belle, — un bain parfumé. Ensuite, elle se parait de tous ses bijoux et ornements, parmi lesquels une coquine de ceinture solidement agrafée, que l’époux seul avait le droit de défaire. Enfin, elle couronnait son front de myrte et se couvrait des pieds à la tête d’un immense voile.

Ainsi attifée, la jeune fille attendait l’arrivée du cortège. Près d’elle veillaient dix vierges qui devaient lui faire la conduite, une lampe à la main. C’était à une heure avancée que retentissait le cri adopté : « Voici, voici l’époux ! sortez au-devant de lui ! » On avait soin de choisir une belle nuit, ce qui n’était pas difficile, vu la fréquence du beau temps sous le climat de l’Asie-Mineure. La procession s’avançait, précédée d’une troupe de chanteurs qui mêlaient leurs voix au son des flûtes et des tambourins. Derrière eux, venait l’époux, vêtu de son habit de gala, le front ceint d’un turban doré qu’entouraient des guirlandes de myrte et de roses. Près de lui, dix amis tenaient en main des rameaux de palmier. Les parents l’escortaient, portant des torches allumées, et toutes les demoiselles du quartier les saluaient de leurs acclamations :

— Tiens, Éléazar qui se marie aujourd’hui !

— C’est la petite Noémi qu’il épouse, pas vrai ?

— Parbleu, oui ! la fille au père Samuel… Ils se sont connus à un bal, chez la grosse Rébecca, à la forêt des kikajons…

— Et comment est-elle, la Noémi ?… Pas mèche de voir le bout de son nez, avec son grand diable de voile…

— Une roussotte, ni mal ni bien, avec une bouche qui a toujours l’air de vouloir avaler la lune… C’est une gaillarde…

— On dit qu’elle adore son futur… Y a pas huit jours qu’on les a surpris à se tarabuster près de la mare aux sangsues.

— Aussi, est-il heureux, ce fripon d’Éléazar !… Voyez donc, il fait des yeux de merlan frit !…

Une fois la procession terminée, l’époux, suivi de ses compagnons, s’avançait vers la jeune fille, et, la prenant par la main, l’amenait au seuil de la demeure : là, il recevait de son beau-père une large pierre plate sur laquelle était inscrit le chiffre de la dot, — quand il y avait une dot.

Après quoi, le cortège reprenait sa marche vers le lieu du festin.

J’ai dit que la noce durait plusieurs jours, comme en Bretagne. Les dîners succédaient aux déjeuners, les soupers aux dîners ; on s’empiffrait jusqu’à s’en faire éclater la bedaine, et, entre les repas, on s’égayait par des énigmes et autres jeux d’esprit. Les choses se passaient ainsi, je n’invente rien.

« Une semaine entière, deux même parfois, s’écoulaient dans ces réjouissances. » (Tobie, chap. VIII, vers. 23.) Aussi, pour modérer l’excès du plaisir et ramener les esprits aux graves