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LA VIE DE JÉSUS

leurs compatriotes et coreligionnaires. En somme, c’étaient des intrigants ambitieux.

Ces délégués se firent escorter par des lévites et allèrent à Béthanie.

— Qui es-tu ? demandèrent-ils au baptiseur. Es-tu le Messie que nous attendons ?

— Jamais de la vie ! répondit Jean. Moi, le Messie ! Je ne le suis pas ; non, je ne le suis pas !

— Serais-tu par hasard Élie, qui a disparu il y a quelques cents ans et reviendrais-tu sur la terre ?

— Je ne suis pas Élie.

— Es-tu du moins un prophète ?

— Pas davantage.

— Mais qui es-tu donc, alors ?

— Je suis la voix de celui qui crie dans le désert : Redressez les sentiers du Seigneur !

Cette fois, les pharisiens étaient renseignés. Toutefois, l’un d’entre eux, pensant que Jean n’était pas absolument dans son droit lorsqu’il baignait ses visiteurs, lui posa encore cette question :

— Pourquoi fichtre baptises-tu, si tu n’es ni le Messie, ni Élie, ni prophète ?

Jean, évitant une réponse directe, leur dit :

— Eh ! qu’est-ce que cela peut vous faire que je baptise ? Pour moi, je baptise dans l’eau ; mais il y en a un au milieu de vous que vous ne connaissez pas, et c’est précisément celui-là qui doit venir après moi, et celui-là qui est au milieu de vous, je ne suis pas digne de dénouer les cordons de ses souliers ![1].

Les pharisiens n’insistèrent pas. Chacun d’entre eux avait le droit de prendre pour un compliment à son adresse la dernière phrase du baptiseur. Ils s’en retournèrent à Jérusalem et rendirent compte de leur mission au Sanhédrin.

Voici, sans conteste, quelle fut leur opinion :

— Nous avons vu le baptiseur. Quel toqué, mes amis ! On a rarement connu d’aliénés battant la breloque à ce point. Quant à être dangereux, c’est une autre affaire : tant qu’il se contentera de s’époumonner dans le désert, on peut le laisser tranquille. Un crâne fêlé, voilà tout.

Le lendemain de cette visite des pharisiens, Jésus, qui descendait de la haute montagne où il avait permis au diable de le transporter, vint à son tour vers Jean-Baptiste.

Dès que le fils de Zacharie aperçut son cousin, il se mit à beugler :

— Le voilà ! le voilà ! l’agneau divin ! le voilà, celui qui porte les péchés du monde !

Les assistants, n’apercevant ni agneau, ni mouton, ne prirent point garde aux cris de Jean.

  1. Toutes ces divagations se trouvent textuellement dans l’Évangile (Jean, chap. i, vers. 13-28).