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LA VIE DE JÉSUS

Satan ne trouva rien à répliquer à cela ; ce qui prouve que la parole de Dieu est un mets très nourrissant. Si j’étais cuisinier d’un évêque, quand il me dirait de lui servir une omelette aux truffes, je lui lirais la Bible ; je serais curieux de savoir comment il prendrait la chose.

Le diable ne fit donc aucune objection. Il avait encore deux cordes à son arc. Il prit carrément dans ses bras Jésus, qui se laissa faire, et le transporta, à travers les airs, jusqu’à l’un des pinacles du Temple de Jérusalem. Les théologiens pensent que ce fut sur le sommet du portique de Salomon, qui bordait à l’est le torrent du Cédron. Le toit de cette galerie élevée s’avançait en saillie sur les cours du Temple. Puis, le diable, montrant la foule qui emplissait les parvis, suggéra à Jésus de faire quelque action d’éclat.

— Hein ! fit-il, voilà une belle hauteur. C’est le moment de te montrer, mon gaillard. Fiche-toi en bas ; tu sais que tu ne risques pas de te casser les côtes, puisque les anges veillent sur toi et te porteront sur leurs mains, de peur que tes pieds ne heurtent contre une pierre.

Cette seconde tentation, pas plus que la première, n’incitait Jésus à commettre une action défendue par Dieu ; mais Jésus repoussa encore les propositions de Satan par ces simples mots :

— Il est écrit quelque part : « Vous ne tenterez point le Seigneur votre Dieu. »

Alors, le démon, saisissant de nouveau le Seigneur son Dieu et le retransportant à travers l’espace, vola aussi haut qu’il put. Enfin, il le déposa au sommet d’une montagne extraordinairement élevée.

« De cette montagne, affirme l’Évangile, on découvrait tous les royaumes de la terre. » Si élevé que soit ce sommet, on a peine à s’expliquer comment on pouvait y jouir d’un coup d’œil embrassant toute la terre, qui est ronde. Mais passons sur ce détail.

Satan montra à Jésus tous les royaumes du monde et la gloire qui les accompagne.

— Est-ce assez beau, tout cela ! s’exclama-t-il. Eh bien, ces empires immenses sont ma propriété, à moi. Je les distribue à qui me plaît. En veux-tu un, deux, trois, quatre ? Les veux-tu tous ? Je suis prêt à te les donner, mais à une condition : c’est que toi, qui es mon dieu, tu vas te prosterner devant moi et m’adorer, moi qui suis le diable.

Jésus aurait dû répondre à cette offre par un joyeux éclat de rire ; car il est évident qu’à ce moment le diable ne devait pas être en possession de tout son bon sens.

Cependant, lui, le Christ, qui avait toléré que Satan pût le tenir à sa discrétion et lui faire accomplir dans ses bras infernaux des voyages aériens, il se rebiffa cette fois et lui dit, sur un ton de mauvaise humeur :