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LA VIE DE JÉSUS

rendre impalpable, dès que les animaux féroces s’imaginaient de vouloir planter leurs crocs dans son Verbe fait chair.

« Et les anges le servaient », ajoute l’évangéliste Marc. On se demande en quoi, puisque Jésus-Christ s’était soumis à un jeûne complet. Évidemment les séraphins ne lui apportaient pas des entrecôtes aux pommes sur un plateau d’argent. Quel était donc le service des anges auprès de Jésus ? — Ah ! j’y suis : ils lui ciraient ses bottes.

Ce fut sur ces entrefaites que le diable, messire Satan, eut une idée bien bizarre : il résolut d’aller tenter le Christ.

Ce grand nigaud de Satan était tellement contrarié par la naissance de ce Messie, venu au monde pour racheter l’effroyable crime de la pomme, qu’il ne songea pas une minute à se tenir le raisonnement suivant :

— Si quelqu’un est impeccable, c’est à coup sûr Dieu ; il est de toute impossibilité que Dieu se laisse aller à commettre un péché. Je vais donc bêtement perdre mon temps avec ma stupide tentation.

Satan oublia de se dire cela, et il partit, au contraire, avec bon espoir.

— Si je réussissais, pensait-il, à flanquer un péché mortel sur la conscience de Jésus, c’est cela qui serait drôle ! Le bon Dieu en enfer, quelle aubaine ! C’est pour le coup que j’attiserais ferme le feu de ma rôtissoire !…

Et le tentateur se dirigeait gaiement vers le désert de Jéricho.

C’était alors le quarantième jour de jeûne de Jésus. Malgré tous les avantages de sa divinité, le fils de Marie commençait à avoir faim. Pendant quarante jours consécutifs, il n’éprouva pas le moindre appétit ; mais, au bout de ce laps, l’estomac se mit à réclamer un peu de pitance.

C’est l’Évangile qui le dit : « Il demeura au désert quarante jours, et il ne mangea rien pendant ce temps-là, et lorsque ces jours furent passés, il eut faim. » (Luc, chap. IV, verset 2). Satan se présenta alors à lui et lui tira poliment sa révérence, en diable bien élevé.

— Tu es bien bon, insinua-t-il, de ne pas calmer tes tiraillements d’estomac. Dire que tu as là, devant toi, des pierres, et que tu ne les manges pas ! Cela est par trop naïf !…

Jésus haussa les épaules.

— Je ne plaisante pas, poursuivit le diable : tu es, oui ou non, le Fils de Dieu ; si tu l’es, tu n’as qu’à commander à ces pierres de devenir du pain, et elles se feront un devoir de le devenir.

Telle fut la première tentation. Supposons un instant que Jésus ait suivi le conseil de Satan ; je ne vois pas trop où aurait été le péché mortel commis. Fabriquer du pain par un miracle n’est pas un acte digne de l’enfer. Combien de saints, au contraire, ont été canonisés par les papes pour avoir censément