Page:Léo Taxil - La Vie de Jésus.djvu/60

Cette page a été validée par deux contributeurs.
58
LA VIE DE JÉSUS

En réalité, Joseph dut manœuvrer habilement.

Il ne heurta pas à coup sûr les susceptibilités de sa jeune épouse. Il se montra, après la naissance du fils du pigeon, aussi réservé dans sa galanterie — j’en mettrais ma main au feu — qu’il l’avait été auparavant. En cela consista certainement toute la tactique du bonhomme, qui, en dépit de son âge, sut très bien prendre son temps.

Je ne serais même pas étonné si j’apprenais un jour que les premières avances vinrent de Marie.

Et pourquoi non, au fait ?

Marie s’habitua au charpentier : il témoignait au petit Jésus toute l’affection d’un papa « pour de vrai » ; il avait protégé les jours du divin poupon ; il l’avait nourri, élevé tout comme s’il avait été sa progéniture authentique.

Peu à peu, Marion, je gage, trouva à son mari un aspect moins rébarbatif ; sa grosse voix lui sembla à peu près douce ; ses manières lui parurent aimables, et, un beau soir, elle se dit :

— Ce pauvre Joseph ! je ne suis vraiment pas gentille pour lui, et cependant il est tout plein gentil pour moi !…

Quand une femme se tient un raisonnement de ce genre, de graves événements se préparent. Nourrices, faites-vous inscrire au bureau.

La conclusion de tout cela fut que quatre évangélistes sur quatre reconnaissent que Jésus eut des frères et des sœurs (Matthieu, chap. XII, vers. 46-50 ; Marc, chap. III, vers. 31-35 ; Luc, chap. VIII, vers. 19-21 ; Jean, chap. VII, vers. 3-10). On ne sait pas les noms ni la quantité des sœurs ; mais le Nouveau-Testament indique très nettement les noms des frères qui étaient quatre : « Jacques, Joseph, Simon et Jude. » (Marc, chap. VI, vers. 3).

Saint Épiphane, père de l’Église assez chicaneur, veut à toute force que ces frères et ces sœurs de Jésus soient des enfants de Joseph, issus d’un premier mariage.

Allez conter cette histoire à d’autres, trop malin Épiphane !

D’abord, il n’est dit nulle part dans l’Évangile que le charpentier était veuf lorsqu’il épousa Marie.

Ensuite, il existe une légende régulièrement admise par l’Église dont nous n’avons pas parlé au début de cet ouvrage, mais qui trouve à ravir sa place ici. — Quand le père Joachim et la mère Anne, revenant sur la promesse qu’ils avaient faite de consacrer Marion au service du Temple, résolurent de la mettre en ménage, tous les prétendants furent réunis, et il fût décidé que la main de la petite serait accordée au plus pur d’entre tous. Il y eut en quelque sorte un concours de virginités. L’épreuve adoptée fut celle-ci : chaque prétendant apporta un bâton bien sec et l’on s’en remit au Seigneur pour avoir un miracle significatif ; et voilà que les bâtons de chacun restèrent secs, tandis que le bâton seul de Joseph se mit subito à fleurir, en s’agrémentant